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mardi 26 juin 2007

Les 7 leçons de la surf attitude : réaction



Souvenez-vous, il y a une quinzaine de jours, je vous avais retranscris un article d’Emmanuel Poncet, paru dans le quotidien suisse Le Matin puis repris et développé dans Psychologie Magazine, abordant le sujet de la « surf attitude ». En réaction à celui-ci, un très intéressant point de vue –malheureusement anonyme– vient d’être publié sur le site Internet
www.board-ladies.com. Le voici :


Quand Psychologie Magazine fait sa métaphore du surf.

C’est avec une certaine surprise que j’ai découvert « l’enquête » du dernier numéro de psychologie magazine : « les 7 leçons de la surf attitude ». Tiens donc. Sept leçons, rien que ça, pas 5, ni 6, non : 7. Et oui, le chiffre 7 pour qui connaît un peu la littérature mystico-ésotérico-psychomachin est plein d’allusions bouddhiques, Zen et tout le tralala.

Donc, à froid, le titre de « l’enquête » du mois de ce mag à la mode a eu le don de m’énerver. Encore une instrumentalisation du surf par des non surfers, me suis-je dit.

Déjà, au début de l’Internet, cette expression de « surfer sur la toile » m’avait passablement gonflé… Aujourd’hui, je m’y suis fait et il m’arrive d’employer moi-même cette expression, limite blasphématoire pourtant.

Ainsi donc le surf est tombé dans le domaine public, et même Psychologies Mag a quelque chose à dire sur notre pratique. Pour autant, mon propos se voudra nuancé : pour une fois, les journaleux(ses) ayant pondu cette « enquête » ne se sont pas trop vautrés dans les poncifs auxquels je m’attendais de la part de la presse généraliste… Et cette idée selon laquelle une certaine pratique du surf pourrait véhiculer une philosophie salutaire pour la survie dans nos sociétés anxiogènes, n’est pas totalement surfaite, ni idiote. Même si les auteurs du papier idéalisent quelque peu notre milieu, ignorant l’ultra-individualisme (voire l’ultra-libéralisme) qui règne trop souvent au line-up.

Décryptage critique de l'article, qui s'appuie notamment sur des témoignages de surfers lambda mais intellos (écrivains, philosophes) et de surfers people comme Bixente Lizarazu ou l'immense scientifique-tonton-surfer Joël de Rosnay.

1ère leçon : « accepter les creux de la vague »

L’auteur du sujet a pour le coup compris que le surf c’est beaucoup d’efforts, d’abnégation pour finalement peu de plaisir, d’un point de vue quantitatif, mais des sensations d’une richesse infinie, d’un point de vue qualitatif. Il est vrai que l’idée de devoir se battre longtemps et durement pour obtenir sa part de jouissance, à l’heure du prêt-à-consommer et du zapping, est porteuse de sagesse. Le surf c’est à la fois un plaisir incomparable, irréductible à une simple pratique sportive, mais en même temps une souffrance telle que le surfeur peut passer pour maso, surtout en hiver, quand il s’agit de se jeter dans l’eau glacée et d’en ressortir mauve, voire bleu(e), avec des onglées qui l’empêchent de refermer sa braguette !
Ok sur cet enseignement-là, même si le titre de la « leçon » paraît mal choisi. Il ne s’agit pas « d’accepter le creux de la vague », mais simplement d’accepter l’idée qu’à jouissance forte correspondrait une souffrance équivalente, que l’on n’a rien sans rien.

2ème leçon : « prendre des risques et des coups »

« Le surf est une activité à haut risque » me disait récemment Ery Courtois alias Tarzan (célèbre local de St Leu, Réunion), alors que je l’interviewais pour un mag de surf. C’est vrai et faux à la fois. C’est faux dans la mesure où un footballeur se blesse dix fois plus en moyenne qu’un surfeur. Faux aussi dans la mesure où beaucoup de surfeurs ne prennent que peu de risques, surfant sur leurs acquis. Par contre, dès lors que l’on s’emploie à repousser les limites de sa peur dans des conditions réellement hostiles (grosses vagues, rochers ou coraux saillants, eau très froide, requins, foudre, etc.), l’environnement aquatique décuple les risques d’issue fatale en cas de soucis. Un malaise dans du 3 mètres et vous êtes mort (s’il n’y a pas un jet ski à proximité qui vous a repéré comme dans les contests pros ou les films). Le même malaise sur un stade de foot et vous faites simplement un tour à l’infirmerie et retapez dans la baballe 10 minutes plus tard.

Vivre sans prendre de risques c’est s’assurer une vie molle et insipide, de la même façon qu’une session à « faire le chicken », à fuir le curl, à trop chercher la sécurité de l’épaule, peut être une expérience creuse et sans intérêt existentiel. Tandis que lorsqu’on accepte de risquer quelque chose, de façon réfléchie, le bénéfice est considérable, même en cas d’échec (un gros tube dans lequel on s’est jeté sans avoir pu en ressortir peut valoir son pesant d’adrénaline et d’enseignements)… Je passe sur les développements du type « le surf est une conduite ordalique », dont la réalité est somme toute très variable selon les pratiquants. Considérer à priori les surfeurs comme des gens cherchant forcément à flirter avec la mort est une erreur. Le surf n’est un sport extrême que pour une petite minorité de pratiquants !

3ème leçon : « saisir le bonheur par intermittence »

Le titre n’est pas adapté, mais le propos est pertinent : la frustration de ne pouvoir surfer quand on veut, du fait des aléas météos et des contraintes professionnelles et familiales, participe de l’essence du surf, renforce la passion plus qu’elle ne l’atteint. Ayant vécu et surfé en Méditerranée où le nombre de jours surfables est faible (1/4 en moyenne), je me suis servi de cette frustration pour faire grandir ma passion, notamment par la pratique de l’imagerie mentale (surfer dans sa tête). Installé à la Réunion depuis quelques années où les bonnes vagues sont quasi-quotidiennes, j’ai plus ou moins inconsciemment recréé cette situation de pénurie de vagues, m’empêchant souvent d’aller surfer pour de fausses raisons, juste histoire de ressentir ce manque qui alimente ma passion ! L’idée d’utiliser le manque comme une ressource et non comme un poids est une façon d’appréhender la vie de façon avantageuse et fertile. Le parallèle avec le surfing est dès lors très valable.

4ème leçon : « vivre en dauphin » + 5ème leçon « savoir se positionner dans l'adversité » + 6ème leçon « devenir le plus léger possible »

Bon, là, chez Psychologie Margazine, ils voulaient absolument parvenir au chiffre magique de 7, alors ils ont un peu tiré par les cheveux une leçon pour en faire trois.

S'agit en gros de s'adapter à son environnement « d'aller avec et pas contre », comme le surfeur surfe avec la vague et pas « contre la vague ».

Là encore il faut nuancer l'enseignement : beaucoup de surfeurs sont des gens rigides, qui surfent sans adapter leur chorégraphie au tempo de la vague. L'histoire du surfeur-dauphin qui évitent carpes (moutons de panurge, victime) et requins (vilains prédateurs), qui se positionne systématiquement en bonne intelligence avec son environnement et les autres fleure bon le fantasme.

Le surf est en effet devenu l'allégorie qui s'ignore de l'ultra-individualisme, voire sur certains spots convoités, de l'ultra-libéralisme. Le surf de l'an 2007 n'a plus grand-chose à voir en terme de philosophie avec celui des années 70 ou 80. Devenu sport de masse avec des line-up surpeuplés, le surf a tristement reproduit la vie terrestre en son sein : seuls les meilleurs parviennent à prendre des vagues, et plus ils en prennent plus leur domination augmente. Cela ne vous rappelle rien ? Celui qui est un peu moins doué ne pourra ni jouir ni progresser, sauf à s'exiler vers des contrées où la concurrence est moins féroce. Alors, il fera subir à son tour aux plus faibles la dure, mais juste loi des « inégalités naturelles » chère aux économistes et philosophes classiques.

Autre manière de dire la même chose, le parallèle entre la position « de côté » du surfeur sur sa planche et la nécessité de ne pas toujours attaquer frontalement l'adversité de la vie (« savoir se positionner dans l'adversité »).

Enfin, cette histoire selon laquelle « quand on est sur une planche il faut se faire le plus léger possible » (dixit « Paul ») ne veut pas dire grand-chose. En effet, en surf le but n'est pas de faire la mouette en se faisant le plus léger sur sa planche, mais au contraire d'avoir des appuis solides, bien ancrés sur sa planche et d'alterner ces phases d'allègements et d'alourdissements, pour gagner de la vitesse grâce à Archimède et sa poussée.

Ceci dit, c'était bien tenté. Pour être honnête, le fond du propos n'était pas si idiot, même si redondant par rapport aux enseignements surfistiques précédents. L'idée développée étant la suivante : le surfeur sait se faire accepter d'un environnement étranger qui le dépasse -le tube notamment- accompagne le mouvement, utilise l'énergie de la vague au lieu de l'affronter. Ce qui est marrant, c'est la phraséologie psycho du style « arriver entre » pour décrire l'entrée dans le tube... Poilant !

7ème leçon : « croire en des forces supérieures »

Les surfeurs croiraient en une transcendance. « Le lyrisme omniprésent des aficionados rappelle le lexique de la pratique religieuse », « au fond le surfeur rêve d’arrêter la mort (…), être dans l’eau qui passe. Etre noyé dans le rien. Ou dans le tout. » A vos souhaits. C’est joli, néanmoins.

J’imagine que ce que l’auteur a voulu dire, c’est que nous sommes des êtres métaphysiques, mystiques, priant le Dieu des vagues sur l’autel du Formule 1 où ils ont garé le 4x4 ? A moins que cela ne soit l’inverse ?

Ici encore on verse dans le romantisme « post pointbreak » : désolé, mais quand je lis des interviews de surfeurs pros, je ne vois pas toujours beaucoup de spiritualité (il y a des exceptions comme Rastovitch ou Machado par exemple). Par contre, il est vrai que la pratique du surf peut, dès lors qu’on possède une sensibilité qui s’y prête, s’inscrire dans une quête spirituelle, où la nature tiendrait le premier rôle. Le problème récurrent, c’est la foule à l’eau, qui coupe le surfeur de sa relation avec la nature et engendre un territorialisme pas franchement zen !

On pourrait philosopher pendant des heures sur les vertus du surf comme sur ses dérives… Il n’y a pas un type de surfeur ni une pratique du surf, mais au contraire une mosaïque de gens différents, des jeunes et des vieux, des femmes (pas assez) et des hommes (trop), des vrais sportifs, des vrais fumeurs de joints, des collégiens, des ouvriers, des cadres, des chômeurs professionnels, des profs, des toubibs, des artisans et même des avocats !

Néanmoins, j’ai été agréablement surpris par cet article qui présente les surfeurs comme des gens pouvant apporter quelque chose à la société et pas comme des blondinets débiles aux corps d’athlètes, des marginaux ou des Igor d’Hossegor.
Alors certes, l’on peut se gausser comme je viens de le faire devant la candeur naïve de ce sujet, mais ce dernier a au moins le mérite de nous rappeler que nous autres surfeurs faisons rêver des millions de gens, avec ce qu’il nous reste de pureté et de valeurs. A nous de faire durer la légende.

2 commentaires :

Anonyme a dit…

Encore des leçons sur "l'esprit surf" !!!!!!

Anonyme a dit…

Tellement bien dit KS207. L analogie entre le line up et le liberalisme sauvage...joli! Je faits parti de ces mecs qui comme toi a change toute sa vie et a emigre pour les vagues... Mais qui aujourd hui n encourage meme plus son propre fils a se mettre a l eau. Les compets de surf avec les papas et les mamans derrieres, c est aussi pitoyable que la plupart des clubs de foot et ice hokey.

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